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Ecrite par un moine zen, voici l'histoire d'un petit temple niché au milieu des montagnes, de Sokudô, le jeune bonze qui en a la charge, de sa femme Keiko et des événements qui vont venir perturber une routine paisible et bien installée.
Mme Ume, une médium douée du pouvoir de " communiquer avec le divin ", vient de prédire sa propre mort et sa disparition annoncée s'accompagne de signes et de manifestations inhabituels.
- Mais peut-être ne s'agit-il que d'illusions ?
Au fur et à mesure que ces signes, d'une touche légère, pénètrent peu à peu le réel, le lecteur se sent emmené dans un voyage à travers les mystères de la vie et de la mort. Dans le quotidien de ce temple et des fidèles qui le fréquentent, la banale réalité côtoie de près l'inexplicable, avec une sereine simplicité.
Et voilà que ce petit livre, tel un kôan zen, vient bousculer nos certitudes et ouvrir notre esprit à des questions dont chacun doit trouver la réponse en lui-même.
Les petites chaussures rouges poursuivent leur saccage en piétinant sans aucun ménagement les ondulations du jardin de pierres. Le sable qu'elles ont soulevé retombe sur le visage candide, rond comme une pêche blanche, de la petite fille. Sa joie semble alors redoubler, car elle se met à agiter encore davantage ses souliers rouges en tous sens, de manière totalement imprévisible.
Un homme qui doit être son grand-père et dont la peau hâlée contraste avec le teint blanc de la petite, se tient debout, avec quelque difficulté, à la lisière du jardin de pierres, grimaçant à chaque fois que l'enfant passe et repasse à sa portée.
La petite esquive facilement la main qu'il tend pour essayer de l'attraper. Il doit se contenter de la suivre des yeux et de fines rides viennent s'ajouter sur son visage à la peau tannée comme du cuir. Sous l'effet de la colère et de l'embarras, son dos un peu voûté est pris d'un léger tremblement.
Autant que sa faiblesse face à sa petite-fille chérie dont il ne réprimande pas le comportement comme il le faudrait, c'est l'état de ses vieux membres, incapables de maîtriser les mouvements d'une enfant, qui semble le faire enrager. Ses genoux tremblotants donnent aussi l'impression de le faire souffrir. Sokudô a alors le sentiment qu'il serait trop cruel de continuer à observer la scène en silence et lance :
- Ne vous inquiétez pas. Ce n'est pas grave !
Sokudô a parlé sincèrement. Sans pouvoir s'expliquer pourquoi il se sent effectivement parfaitement calme alors qu'on vient de ravager les ondulations qu'il finissait à peine de tracer dans le jardin de pierres. Sa propre réaction l'étonné un peu. Il pénètre dans le jardin, écrasant à son tour les belles courbes qu'il a ratissées un peu plus tôt et s'approche du vieillard et de l'enfant.
Son rêve s'arrêta là. Sa chemise, mouillée par la sueur qui avait trempé sa poitrine, était froide et lourde. Sokudô se leva lentement, se tint debout sur sa couette et, après avoir vérifié que Keiko dormait encore, descendit à l'étage inférieur, correspondant au premier étage du logement.
Par la fenêtre large de deux mesures appelées ken dans l'architecture traditionnelle (soit un peu plus de trois mètres cinquante) et haute d'environ soixante centimètres, il vit les fleurs de lotus prêtes à s'ouvrir sur l'étang. Le ciel bleu des premiers jours de l'été faisait comme des morceaux de papier coloré flottant à la surface de l'eau.
Bientôt, la chaleur rendrait difficile de dormir au deuxième étage sous les toits. Inutile d'espérer davantage de confort dans un si vieux temple, se dit Sokudô et, après avoir changé de chemise, il remonta au deuxième et se coucha à côté de Keiko.
C'est un petit livre bref et très simple. Le genre de roman que l'on qualifierait volontiers de parfaitement anodin s'il ne revenait pas longtemps hanter le lecteur ou, pour être parfaitement exact, s'immiscer, insidieux, dans la moindre pensée, le moindre geste, la moindre émotion du quotidien.
Couronné en 2001 au Japon par le prix Akutagawa, l'équivalent de notre Goncourt, Au-delà des terres infinies est l'oeuvre d'un moine bouddhiste, Genyû Sôkyû, un ancien étudiant en littérature chinoise à l'université de Tokyo devenu «Père prieur adjoint» au temple Rinzai Zen dans le département de Fukushima...
Genyû Sôkyû, sans doute inspiré par sa propre expérience, ne raconte pas, il conte et réconforte. Au-delà des terres infinies est un livre aux multiples vertus ; un roman conçu comme un lent questionnement et qui, à nos yeux de lecteurs occidentaux, se révèle étrange, apaisant et beau comme un jardin japonais. (Vanessa Postec - La Croix du 9 avril 2008) --