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Eliphas Lévi est le plus bel exemple des marginaux visionnaires et prodigieux comme en a produit le XIXe siècle avant que l'échec de 1848 n'en brise le moule. L'ex-abbé Alphonse-Louis Constant (1810-1875) a tenté, d'abord par le christianisme, puis par le socialisme, enfin par l'occultisme, d'élever la destinée de l'homme contemporain ballotté par les tempêtes qui agitent le siècle.
Emprisonné à trois reprises, sous trois régimes politiques successifs, pour des ouvrages comme Le Catéchisme de la liberté, La Voix de la famine, Caligula(comparé à Napoléon III), il est l'apôtre du féminisme dans l'église et dans la vie sociale. Et l'ami des grands réformateurs, en particulier Flora Tristan, future grand-mère de Gauguin.
Devenu Eliphas Lévi et retiré du monde réel et de ses vanités, il consacre ses dernières années à rédiger, dans une prose éblouissante, "Dogme et Rituel de la haute magie", "Histoire de la magie" et "La Clef des grands mystères". Trois ouvrages considérables qui ont influencé des personnages aussi divers que Nerval, Baudelaire, Victor Hugo, André Breton.
Francis Lacassin.
L'inlassable curiosité et appétit d'érudition de Francis Lacassin ont trouvé une nouvelle proie en la (très singulière) personne de l'ésotériste visionnaire Eliphas Lévi dont il nous propose aujourd'hui, dans la collection Bouquins, un premier choix d'oeuvres. Une réédition passionnante qui permettra de renouer avec les textes introuvables d'une des figures intellectuelles les plus fascinantes du XIXe siècle, un écrivain dont les principaux lecteurs se nommèrent Baudelaire et Nerval.
Né en 1810 dans une famille de cordonniers, celui qui fut d'abord l'abbé Constant vit mal les contraintes de la soutane, d'autant qu'il se sent proche et milite pour la cause socialiste.
Sa foi restée intacte d'apôtre du féminisme chrétien lui fait écrire des Cantiques à la Vierge puis un Catéchisme de la liberté qui lui vaudra la prison. Exilé à Evreux, il y écrit un ouvrage sur la mère de Dieu au fil duquel il réclame le pardon du diable. Imploration qui lui vaut sans tarder condamnation de la part d'une église avec laquelle il rompt définitivement.
C'est en 1854, suite à un séjour à Londres où il fréquente les milieux occultistes, que l'abbé constant devient Eliphas Lévi et se lance dans une rénovation de l'occultisme pensé comme un accomplissement de la tradition chrétienne : "Nous ne voulons pas attaquer le christianisme, nous voulons l'expliquer et l'accomplir", déclare-t-il.
Un christianisme conçu comme l'axe refondateur d'une tradition magique et ésotérique commune à toutes les religions.
Le présent ouvrage, en proposant "Dogme et rituel de la haute magie" (1854/1856), "Histoire de la magie" (1859) et la "Clef des grands mystères" (1860), permettra de renouer avec un des plus éblouissants stylistes romantiques ainsi qu'avec un penseur magique dont André Breton ne pouvait, sans frémir, prononcer la simple phrase : "Osiris est un dieu noir."
François Angelier